De la déconstruction des stéréotypes

De la déconstruction des stéréotypes

6 mars 2016 amelallik 0

Dans mon cours de communication interculturelle, en travaillant sur les entraves à la communication entre personnes venant de cultures différentes, une grande partie de mes étudiants étaient opposés à l’idée que le stéréotype ne reflétait pas la réalité. Ainsi, beaucoup pensaient que dire que « les Américains sont obèses » n’est pas du tout faux.
 
Cette résistance n’avait rien de surprenant. Les stéréotypes ont la peau dure. Et s’ils peuvent être amusants quelques fois, ils peuvent agacer, créer des malentendus communicationnels et mener vers des situations conflictuelles. Dans toutes les situations où des individus de différentes cultures sont en contact, par exemple pendant un voyage à l’étranger ou dans le milieu professionnel, comprendre les stéréotypes, leur fonctionnement, leur intérêt ainsi que leurs dangers potentiels est primordial pour optimiser l’intercompréhension et éviter les conflits.

 

Qu’est-ce que le stéréotype ?

Le stéréotype concerne tous les groupes humains : ethniques, sociaux, religieux, professionnels, etc. Un groupe peut avoir des stéréotypes pour caractériser les autres groupes (hétérostéréotypes), mais également des stéréotypes concernant ses propres membres (autostéréotypes). Le stéréotype est souvent négatif, parfois positif mais il n’est jamais neutre. Il est toujours chargé d’affectivité et d’une connotation : appréciation, dépréciation, ironie, etc.

 

Une des caractéristiques principales du stéréotype et qui lui donne toute sa force, est qu’il est consensuel : il est partagé par beaucoup de personnes. Il est également figé et on a alors l’impression qu’il correspond à la réalité. Par définition, le stéréotype est très réducteur. Il est une caricature de son objet, personne ou groupe de personnes. Ceci parce qu’il procède par la focalisation sur quelques traits de cet objet, leur exagération et leur généralisation. Or un personne, un groupe de personnes sont toujours complexes et ne peuvent être réduits à quelques traits. Pour reprendre le stéréotype de l’Américain (États-unien) obèse : « les Américains sont obèses », cette affirmation signifie que tous les Américains sont obèses. Si une partie, ou même une grande partie des personnes de ce pays sont obèses, cela ne signifie cependant pas que tout le monde est obèse. Cela ne correspond évidemment pas à la réalité.

 

Les stéréotypes posent des problèmes. Mais pourquoi avons-nous tous des stéréotypes ?

Une telle affirmation pourrait paraître à certaines personnes anodine et sans conséquences. Pourtant, elle peut générer des attitudes, des remarques ou des comportements partant de bonnes intentions et mal perçus. Plus le stéréotype est péjoratif (il suffit de penser à tous les stéréotypes caricaturant les Noirs, les Arabes, les Roms, etc.), plus il est susceptible de créer des conflits. Les stéréotypes négatifs jumelés à la méconnaissance des codes culturels des autres, sont l’un des meilleurs moyens pour créer des malentendus. La rencontre sera alors l’occasion de renforcer ces stéréotypes, puisque la communication, si elle a pu avoir lieu, a été biaisée.

 

Tout le monde a des stéréotypes, à la fois de son propre groupe et des autres groupes. Ceci parce que les stéréotypes sont indispensables. Ils permettent une économie cognitive : puisqu’on ne connait pas tout le monde, et on ne peut pas le faire, on définit des catégories, on les étiquette et on leur donne quelques caractéristiques. Puis on colle ces étiquettes aux personnes qu’on juge appartenir à ces catégories. À chaque fois qu’on a affaire à une personne, ce processus de catégorisation et de généralisation permet d’évaluer rapidement cette personne : on la met dans une case et on lui attribue les caractéristiques qui vont avec.

 

Les stéréotypes permettent aussi de construire l’identité du groupe. Quand un groupe définit ses propres caractéristiques distinctives, ainsi que les caractéristiques des autres groupes, il délimite ses frontières avec les autres et se définit par rapport à eux.

 

Et alors, que faire des stéréotypes ?

Produire et utiliser des stéréotypes est donc un processus naturel qu’on utilise constamment et inconsciemment pour appréhender ce qui nous entoure. En cela, les stéréotypes sont nécessaires. Le problème se pose quand les stéréotypes sont négatifs et quand ils empêchent de réellement connaitre l’Autre et entravent la communication avec lui.

 
Déconstruire un stéréotype, c’est en partir pour comprendre comment il a été construit, à quoi il renvoie, et découvrir les faits qu’il cache. Cette activité peut avoir différentes applications très utiles dans les domaines où intervient la communication interculturelle. Par exemple:

 

dans les domaine de l’enseignement des cultures

La déconstruction des stéréotypes permet de découvrir la culture de l’Autre. Le stéréotype peut être utilisé comme un  prétexte pour décrypter des pans de la réalité qui le sous-tendent. En travaillant sur le stéréotype de l’ «Américain obèse », mes étudiants ont pu par exemple découvrir que le taux d’obésité aux États-Unis est effarant et est parmi les plus élevés au monde. Ils ont également pu constater qu’il s’agit d’un problème de santé publique, et qu’il est lié aux conditions socio-économiques : le taux d’obésité est plus important dans les État les plus pauvres.

 

dans le domaine du management des organisations multiculturelles

S’il n’est pas facile de manager les hommes quand ils parlent la même langue et partagent (plus ou moins) les mêmes codes culturels, ça l’est encore moins quand ils viennent de cultures différentes. Plusieurs problèmes de communication viennent de la méconnaissance des filtres déformant la réalité, dont les stéréotypes. Sensibiliser les managers et les managés à ces questions et leur apprendre à en prendre conscience, est l’une des étapes essentielles pour anticiper et éviter les malentendus et les conflits qui en découlent.

 

dans le domaine de la publicité

Mieux vaut prévenir que guérir. Il est important d’être conscient de la portée des stéréotypes et de tous les insus culturels qui se cachent derrière les images et les textes. L’exemple des stéréotypes sexistes et racistes que continue de véhiculer la publicité est un exemple des erreurs que commettent encore certains publicitaires. À moins que ce ne soit des erreurs voulues pour faire le buzz, elles sont souvent dues à un manque de connaissance des conséquences de tels stéréotypes. Maîtriser la déconstruction des stéréotypes permet en outre d’en jouer, en choisissant des représentations stéréotypisantes ou complexifiantes.

 

La déconstruction des stéréotypes peut recourir à différentes méthodes comme la sémiologie, la sémiotique, l’analyse de témoignages et l’usage des discours d’experts et d’études statistiques. Cela dépend du domaine d’application et du but escompté.

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