Responsabilité sociale, entreprise à mission et innovation sociale

Responsabilité sociale, entreprise à mission et innovation sociale

13 mai 2019 amelallik 0 Étiquettes : , , ,

La loi PACTE apporte une reconnaissance de la notion d’intérêt social des entreprises dans le droit français et introduit le statut d’entreprise à mission. Cela a pour ambition de pousser les entreprises à se poser des questions sur leur raison d’être. Celles qui le souhaitent peuvent inscrire cette raison d’être dans leurs statuts, et pour aller plus loin si elles remplissent certaines conditions, adopter le statut d’entreprise à mission (voir l’article de Martin Richer sur la loi PACTE, raison d’être et mission).

La raison d’être, « purpose », d’une entreprise correspond à la question du « pourquoi » qui rappelle le Golden Circle de Simon Sinek. Pour ce dernier, le pourquoi, « why », est ce qui définit et formalise le but ultime, la croyance en une cause, les principes qui devraient être au cœur de l’activité de l’entreprise, ou de toute démarche individuelle ou collective. Cette raison d’être qui est trop rarement définie, est ensuite concrétisée par l’entreprise à travers les questions du « comment » (how), et du « quoi » (what).

Se poser la question de sa raison d’être permet à l’entreprise d’aller au-delà de la question du profit, mais également de dépasser le stade de la réduction de ses impacts négatifs sur la société et l’environnement. Elle est au cœur d’une réflexion sur la conception de produits/services utiles, qui résolvent des problèmes de société, et qui rendent service à l’homme et à l’environnement. Le parcours de la raison d’être vers le « comment » et le « quoi » est celui de l’innovation sociale.

Qu’est-ce que l’innovation sociale ?

À nouveau contexte, nouvelles conceptions et modalités de l’innovation. Dans son rapport relatif à l’innovation et l’expérimentation pour la transition écologique paru en juillet 2017, Lucile Schmid revient sur les facteurs qui participent à déplacer la vision de l’innovation traditionnellement synonyme de progrès technologique, vers une vision qui est de plus en plus tournée vers la société et l’environnement. Ces facteurs sont les transformations qui accompagnent les nouvelles technologies, les nouvelles dynamiques sociales, et les limites du modèle de développement économique. L’innovation sociale est vue aujourd’hui comme une des solutions majeures aux problèmes de la crise que nous vivons depuis des décennies.


Au-delà de cette définition générale, trois conceptions de l’innovation sociale coexistent, selon Nadine Richez-Battesti, Francesca Petrella et Delphine Vallade. La première est portée par les organisations internationales et les gouvernements : l’innovation sociale comme outil pour pallier les lacunes des politiques publiques dont les politiques sociales, notamment en faisant appel à des partenariats public-privé. Les deux autres conceptions sont très proches l’une de l’autre et concernent entrepreneuriat social et l’ESS (économie sociale et solidaire). L’innovation sociale est liée à l’impact social et a pour ambition d’apporter un changement positif. Dans cette perspective, l’innovation sociale se construit dans une démarche participative et inclusive des acteurs qui encourage et fait appel aux partenariats de différentes parties prenantes. L’innovation sociale part de la société et de ses problématiques et propose des produits et des services utiles pour résoudre ces problèmes. Une communauté comme Makesense, qui définit sa raison d’être comme « Une communauté internationale de citoyens, d’entrepreneurs et d’organisations pour résoudre des défis sociaux et environnementaux», s’inscrit pleinement dans cette logique.

Entreprise et innovation sociale

L’innovation sociale est donc au cœur des entreprises de l’ESS. Elle n’est cependant pas l’apanage de ces entreprises. L’idée d’allier problèmes environnementaux et sociaux d’une part et innovation d’autre part est par exemple présente dans ce qu’Elisabeth Laville appelle le développement durable 2.0. (ou RSE 2.0.). Elle l’est aussi ce que Porter et Kramer appellent Strategic CSR ou encore Corporate SharedValue (CSV). Du côté des entreprises, Danone par exemple dit « créer et partager de la valeur de manière durable ».

La même idée se trouve aussi dans la notion de Corporate Social Innovation (CSI) : innovation sociale de l’entreprise. Dans « The New Business of Business : Innovating for a Better World », Philip Mirvis et Bradley Googins définissent l’innovation sociale de l’entreprise comme une stratégie qui combine les différents ressources d’une entreprise, en collaboration avec d’autres partenaires, pour créer des solutions innovantes aux problèmes complexes économiques, sociaux et environnementaux, ce qui contribue à la fois à la viabilité de l’entreprise et au bien-être de la société.

De la raison d’être à l’innovation sociale

L’innovation sociale est un processus qui se base sur un ensemble de principes et de méthodes comme l’expérimentation, l’établissement de partenariats et la participation de différents acteurs, la co-création et la prospective. Mais derrière ce processus se trouve la raison d’être, le pourquoi de l’existence d’une organisation, d’une entreprise. Définir cette raison d’être permet à l’entreprise de définir sa stratégie en matière d’innovation sociale : faire des choix quant à ses orientations et des problèmes qu’elle se propose de traiter.

Demain est marqué par deux défis majeurs. D’une part, la crise environnementale avec sa multitude de problèmes environnementaux, sociaux et économiques. D’autre part, les nouvelles technologies dont l’intelligence artificielle et les nanotechnologies qui sont pourvoyeuses de solutions mais également porteuses de nouveaux problèmes notamment éthiques et sociaux. Face à ces défis, l’innovation sociale doit être basée sur une réflexion de fond, et sur une R&D qui ne concerne plus uniquement le progrès technique mais également et surtout l’humain et son environnement. Dans cette démarche, la recherche en sciences humaines et sociales trouve tout son sens : analyser les comportements, les perceptions et la communication des différents acteurs, engager le dialogue, comprendre et formuler les besoins, faire émerger l’intelligence collective, autant de voies pour changer le monde.

Dans un contexte marqué par l’urgence de trouver des solutions à des problèmes comme le changement climatique et la biodiversité, et par un rythme effréné qui gère nos relations économiques et sociales ainsi que notre communication, le chemin reste long. Au dernier salon Produrable, qui s’est déroulé en même temps que le Sénat analysait et adoptait en dernière lecture le texte de la loi PACTE, plusieurs entreprises ont expliqué leur démarche pour définir leur raison d’être ou exprimé leur intention de devenir entreprise à mission. À suivre donc avec espoir la concrétisation de ces « raison d’être ».

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